Cette exposition ne propose pas une approche historique de la prison de Pontaniou. Il s'agit plutôt d'une évocation du lieu, aujourd'hui abandonné. Les textes de cette exposition ont été rédigés par Audrey Higelin-Fusté et les photographies ont été réalisées par Étienne Valois.
Audrey Higelin-Fusté est docteur en Histoire de l'art contemporain. Elle a soutenu sa thèse, intitulée : La prison pénale de 1791 à 1848 : élaborer l'espace de la réclusion, sous la direction de Laurent Baridon, en 2011 à l'Université Pierre Mendès-France de Grenoble.
Étienne Valois est un photographe brestois militant. Il s’est emparé, comme d’autres photographes avant lui, de la prison de Pontaniou comme objet d’étude. Il nous explique sa démarche :
« Mon approche de la photographie s’est nourrie des souvenirs du labo de mon père, de mes premiers pas en noir et blanc, mais aussi de ma découverte de techniques créatives et surtout d’approches très différentes d’artistes présents sur Flickr. C’est par ce biais que j’ai fait mûrir mon goût pour les photos sociales, réalistes, urbaines, voire « urbex ».
Cette passion pour la photographie a rencontré mon intérêt pour les questions carcérales à Brest. J’ai eu la chance de pouvoir visiter le site de Pontaniou aujourd’hui interdit au public. De cette visite sont issues ces deux séries, deux approches différentes, réalistes et nostalgiques, des restes de cette maison d’arrêt désaffectée depuis 1990.
L’ensemble des clichés a été pris avec un boîtier Canon 30 D et une focale courte, avec uniquement la lumière du jour, donc en mauvaises conditions de luminosité. J’ai recherché avant tout à faire ressortir les traces sur le bâtiment, celles de ses occupants qui semblent avoir quitté le bâtiment hier, en laissant tout en place, et les traces du temps sur le site lui-même, avec une mise en valeur des textures et des « situations » plus que des lignes et de l’architecture.
J’ai souhaité éviter un traitement trop dur et froid qui ne collait pas avec mon ressenti de cette visite. Pour ne pas écraser Pontaniou sous un seul rendu uniforme, j’ai créé deux traitements, un monochrome sépia et un en couleurs avec un virage sélectif, appliqués au cas par cas en fonction des atmosphères, des lieux et des matières. J'ai d'abord voulu privilégier un traitement monochrome qui évoque à la fois la dureté de l’environnement carcéral et le passé. Mais la violence de cet environnement, à la fois lié aux conditions de détention, aux matériaux bruts et à l'état de dégradation du bâtiment, me paraissait suffisante pour ne pas en rajouter avec des couleurs froides et un rendu encore plus dur. J’ai donc privilégié un monochrome sépia bien contrasté qui évoque à la fois le passé, renvoyant au rendu des vieilles cartes postales, et en même temps qui adoucit un peu l'impression donnée par les images. Mais ce rendu m'a paru insuffisant. Il s’adaptait bien à certaines photos mais en trahissait d'autres. J'ai trouvé qu'il pouvait être important de garder parfois de la couleur, et d'avoir un rendu plus subtil qu'un traitement monochrome. J’ai donc créé une deuxième série de préréglages sous Adobe Lightroom. Il s'agit d'un virage partiel : jaune/brun pour les tons les plus clairs, gris/taupe pour les tons les plus foncés, les tons moyens étant conservés. Cela permet de désaturer les couleurs vives mais de garder plus de nuances dans certaines zones de couleurs et dans le rendu de certaines textures.
Il m'a semblé qu'il ne fallait pas choisir un seul des deux rendus, mais les garder tous les deux en complémentarité, en fonction des clichés, plutôt que de sacrifier certains d'entre eux sur l'autel d'un rendu uniforme. Chacun vient donc mettre en valeur de manière différente chaque cliché, chaque détail ou lieu. »
L'Urbex, ou exploration urbaine, est un domaine particulier de la photographie dont le thème essentiel est le patrimoine industriel, urbain, ou les lieux désaffectés ou abandonnés. Son objet est de produire des séries photographiques, à vocations documentaire ou artistique, sur des lieux méconnus et souvent à l'abandon, notamment pour en conserver des traces dans la perspective de leur dégradation ou de leur disparition. L'urbex met en valeur les sites tels quels, y compris -et précisément- en montrant leur dégradation et les effets du temps. Les photographes cherchent la plupart du temps à préserver le lieu et à n'en rien modifier, à éviter toute intervention pour préserver le site qu'ils photographient.
Edition en ligne : Jean-Lucien Sanchez